Extrait de la carte archéologique de La Somme pré-romaine et romaine, d'après les prospections aériennes de R. Agache, croquis B. Bréart.

Christian Goudineau, professeur au Collège de France, a parlé récemment de "l'apport ahurissant" de l'archéologie aérienne. Incontestablement, les résultats des prospections aériennes à basse altitude sont spectaculaires, particulièrement dans les grandes plaines de la France du Nord où, apparemment, l'agriculture a tout arasé, tout détruit depuis des siècles. Toutefois, il faut bien avoir présent à l'esprit que les résultats de la photo-interprétation sont nécessairement aléatoires et lacunaires. Ils dépendent des modes de culture, de la nature du couvert végétal et des sols, des conditions atmosphériques et hygrométriques, qui jouent un rôle essentiel dans l'apparition fugace des vestiges enfouis. Ainsi, sur les terrains limoneux, ce sont avant tout les lignes de fondations arasées qui se révèlent le mieux, alors que sur les terres crayeuses, les systèmes de fossés comblés sont les plus faciles à repérer. La consultation des cartes de L'Atlas d'Archéologie aérienne de Picardie (Agache R. et Bréart B., 1975) peut donner à penser, bien à tort, que les villas gallo-romaines sont essentiellement implantées sur les terres fertiles, alors que les fermes gauloises le sont sur des sols pauvres.

En fait, ces cartes, établies à partir des seules prospections aériennes, sont, pour une large part, des documents révélant les conditions pédologiques propices à l'identification de tel ou tel type de structures enfouies. Comme on pouvait s'y attendre, les grands chantiers, ouverts pendant ces vingt dernières années sur les tracés d'autoroute et du TGV, le montrent bien. Ils confirment que seule une petite partie des sites avait été découverte d'avion.

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Révélation du plan parfaitement géométrique d'une villa gallo-romaine à deux cours, sur sol limoneux. Grivesnes (Somme).

Sur sols crayeux, les taches d'humidité révèlent d'anciens fossés circulaires. L'un d'eux déborde un peu sur la zone limoneuse, où il est alors à peine discernable. Noyelles-sur-Mer (Somme).

Enfin, on ne dira jamais assez que l'archéologie aérienne ne fournit que des indices et que le dernier mot revient toujours aux sondages et aux fouilles, à condition qu'ils soient menés avec la rigueur scientifique qui s'impose. Si la recherche aérienne ne porte en rien atteinte à notre patrimoine et qu'elle est ouverte à toutes les bonnes volontés, il n'en est pas de même de la fouille, irrémédiablement destructive et soumise à autorisation. Elle implique une grande compétence et une grande méticulosité.

Le fouilleur doit toujours avoir présent à l'esprit cet adage du professeur Ernest Will :

"L'archéologie est minutie et prudence; elle se veut science et exige la foi".