David Whitley
Spécialiste de l'art rupestre


David Whitley est l'un des chercheurs américains les plus connus, actuellement, pour ses travaux sur l'art rupestre de son pays. Il travaille plus particulièrement sur l'art de la Californie et sur son contexte ethnologique, ce qui lui permet de mieux comprendre les motivations à l'origine de cet art.

L'étude archéologique de la grotte Chauvet a été retardée de trois ans environ du fait de ces controverses juridiques. À l'issue d'un concours international lancé par le gouvernement français, M. Clottes remporta la direction du projet en 1998. Cela était dû en partie à son passé de chercheur et à sa stature professionnelle, mais aussi à la constitution d'une équipe d'archéologues français pleins de talent réunie autour de lui, et, de surcroît, à la création d'un comité consultatif international, rendant ainsi son projet de recherche inattaquable.
J'ai été invité à effectuer une mission pour examiner le projet et pour voir la grotte de visu, en tant que membre de ce comité - occasion unique, étant donné que les visites de la grotte sont strictement limitées (Jean Clottes reçoit des centaines de demandes de visites par an, qui sont toutes refusées ; il n'a même pas pu amener son épouse dans la grotte).

Je suis arrivé en mai 2000 dans leur quartier général de campagne. C'est une base de loisirs, avec des dortoirs, une cafétéria et un laboratoire informatique qu'ils louent deux fois par an pour deux semaines de recherche. Avec moi, deux autres membres américains du comité de recherche, Jim Keyser, archéologue régional du Service américain des forêts qui travaille autour de Portland, et Larry Loendorf, chercheur-professeur de l'Université de l'Etat du Nouveau Mexique. Le contenu, de l'ordre du fantastique, de notre mission fut établi au moment de notre arrivée. Alors que nous l'ignorions à ce moment, une équipe française de documentaristes filmait le projet, et comme elle ne pouvait accéder à la grotte, elle enregistrait tout ce qui se passait à l'extérieur. L'un de mes ouvrages venait d'être publié ce mois-là en France et l'équipe me reconnut à cause de ma photo sur la couverture. Sortant de la voiture, je me trouvais face à une caméra Betacam de cinéma vérité en train de tourner. (Quelque part en France, il y a maintenant une pile de cassettes vidéo qui retracent toute notre mission, sauf le temps passé dans la grotte. J'émets de vives réserves sur la valeur historique de ces documents).

Le lendemain matin, nous nous rendîmes sur le site, à quinze minutes de voiture de la base de loisir et après une ascension d'une demi-heure sur le versant escarpé et boisé d'une falaise, suivis pas à pas par l'équipe de tournage. Bien que le sentier qui y conduise soit à peine plus qu'une piste de gibier améliorée serpentant à travers les bois, l'entrée de la grotte a été profondément modifiée. C'est par hélicoptères qu'ont été apportés les éléments nécessaires à la construction d'un système d'entrée et de sécurité de pointe, de passerelles d'acier inoxydable et du dispositif de surveillance atmosphérique à l'intérieur de la grotte. Afin de pourvoir à l'électricité, un atelier a aussi été construit dans une cavité adjacente pour la maintenance du matériel, avec une cafetière et un four à micro-ondes pour le bien-être de l'équipe. Univers bien différent des campements désertiques et secs auxquels je suis habitué. Mais le site lui-même est très différent.
Jim, Larry et moi sommes entrés dans la grotte à travers une espèce de sas de l'ère spatiale, dont la lourde porte d'acier ne s'ouvre que lorsque trois membres de l'équipe placent leur paume enregistrée sur une plaque sensible qui lit les empreintes et le pouls, le pouls avec l'empreinte pour être certain que l'une des empreintes programmées n'est pas coupée, et utilisée sans son propriétaire, pour entrer frauduleusement dans la grotte. Les effets à la James Bond mis à part, le paradoxe de ce système de sécurité est immédiat : la grotte Chauvet, comme beaucoup de sites d'art rupestre dans le monde, contient une série d'empreintes de paumes peintes. Nous pensons que cela reflète quelque chose qui touche au sacré, symbolisé par la surface de la roche, et un désir humain commun de rendre ce qui est abstrait et ineffable plus concret et tactile. Même avec notre technologie informatique de pointe, nous n'avons pas perdu cette impulsion humaine du toucher. Je ne pouvais m'empêcher de penser que cela ajoutait au sentiment que j'avais d'entrer dans un vrai lieu sacré de la Préhistoire.

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