David Whitley
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Une fois à l'intérieur du sas, nous nous sommes équipés (casques, lampes, combinaison, bottes de caoutchouc), et avons rampé à genou sur les mains, le long d'une pente de plus de six mètres, maintenant élargie, jusqu'à la descente verticale dans la grotte facilitée par un échelle en métal fixée dans la roche. Cela conduit à une plate-forme et à une série de passerelles métalliques qui mènent dans les profondeurs noir d'encre de la grotte. Mieux que tout, l'infrastructure témoigne du projet à long terme des Français : toutes les passerelles et plate-formes sont en acier inoxydable pour éviter toute action corrosive qui puisse porter atteinte à l'environnement de la grotte et à la bonne conservation de l'art. Les peintures ont perduré pendant 30.000 ans ; les Français ont la ferme intention d'être sûrs qu'elles dureront au moins autant.
Jean nous guida lors de notre première visite dans la grotte, nous conduisant à travers les différentes chambres et galeries pour voir les panneaux artistiques connus. Nous sommes restés sur les passerelles qui reprennent le chemin emprunté par Jean-Marie Chauvet et son équipe dans la grotte afin de préserver le mieux possible la surface du sol dans son état originel. Jusqu'à présent, tous les travaux archéologiques se sont limités aux abords immédiats de ces passerelles. Une fois le travail terminé le long de ces abords, on étendra les accès à d'autres zones de la grotte. En attendant, il y a beaucoup de zones, parmi lesquelles se trouve un des plus magnifiques panneaux de peintures, qui n'ont pu être étudiées qu'à distance.
Ce qui nous a fait une certaine impression au début, en tant qu'archéologues d'abord et en tant que spécialistes de l'art rupestre en second, ce furent les vestiges conservés sur le sol de la grotte, dont les précautions méticuleuses prises garantissent la sauvegarde. Nous avions, après tout, vu des reproductions de l'art et étions plus ou moins préparés à cette rencontre. Ce que nous vîmes au sol était tout autre chose. Il y avait des squelettes de l'espèce géante et disparue des ours des cavernes apparemment partout, ainsi que leurs bauges, grands trous en forme de soucoupe dans la terre, et leurs empreintes. En un endroit, je m'arrêtais pour examiner l'une des traces d'ours, plaçant ma paume et mes doigts dessus pour mesurer sa largeur. Je ressens une sensation de parenté avec les peintres du Paléolithique, dans cette impulsion à mettre ma main directement sur l'empreinte, de la même manière que les peintres avaient laissé leur empreinte sur les parois de la grotte - impulsion à laquelle je résistais dans l'intérêt de la science. Elle faisait à peu près neuf pouces de largeur. C'étaient des animaux énormes (à peu près de la taille des ours de Kodiak), ou du moins beaucoup d'entre eux l'étaient. Ensuite je commençais de noter des variations importantes dans la taille de ces crânes, des grands, des moyens, certains même étaient de toute évidence ceux de jeunes bêtes, ce qui contredisait mon hypothèse que ces squelettes représentaient des ours morts de vieillesse durant leur hibernation.
Il n'en est pas ainsi, expliqua Michel-Alain Garcia, qui effectue les relevés et les analyses des empreintes de la grotte - et il y en a des centaines qui témoignent du caractère inviolé du sol de la grotte. De nombreux ours sont morts intoxiqués pendant leur hibernation à cause de l'accumulation de dioxyde de carbone dans la grotte : bien qu'il y ait des échanges atmosphériques avec l'extérieur, ils sont lents et peu efficaces cela entraîne des conditions dangereuses. À l'issue d'une saison de deux semaines, l'équipe française doit être très attentive dans certaines parties de la grotte où s'accumule l'air vicié, en ne travaillant que par binôme, par exemple, et en évitant de s'allonger sur le sol. Malgré cela, la plupart d'entre eux quittent la grotte avec des maux de tête le soir. Beaucoup d'ours ont visiblement souffert de maux pires que les maux de têtes à l'issue de leur séjour d'hiver dans la grotte.

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