Dominique est, dans l'équipe, celle qui a le plus d'expérience après Jean Clottes. Elle a commencé sa carrière dans l'archéologie en tant qu'assistante de Leroi-Gourhan et connaît bien son interprétation structuraliste des grottes. Peut-être du fait de cette collaboration, elle n'a pas spécialement continué à recourir à cette interprétation dans ses propres recherches ultérieures : en dehors de la grotte Chauvet, elle travaille depuis peu à Arcy-sur-Cure où elle gratte patiemment de fines couches de calcite pour effectuer le relevé de séries de mammouths qui étaient jusqu'alors passés inaperçus dans cette grotte réputée sans art. Qualifier son travail de méticuleux serait très en deçà de la vérité. Valérie est une jeune femme, qui comme Michel-Alain, est une artiste à part entière. Elle partage son temps entre l'illustration en archéologie, l'infographie chez elle, dans les proches environs de Paris, et la recherche, à la grotte Chauvet, au Niger (où elle est l'assistante de Jean Clottes pour le relevé d'une série de très grandes gravures de girafes maintenant connues dans le monde entier), et récemment dans le Canyon de Chelly en Arizona, avec mon compagnon de visite, Larry Loendorf.
Dominique et Valérie ont effectué le relevé de deux des panneaux de points rouges, d'abord en photographiant les images ; ensuite en les numérisant pour les accentuer et les agrandir ; et enfin en décalquant les images numérisées sur des feuilles de plastique transparent contre les panneaux eux-mêmes afin de vérifier leur travail sur le terrain. Grâce à ce long processus, on a appris qu'au lieu de points, il s'agissait d'empreintes de paumes. (D'autres panneaux de la grotte comportent quelques empreintes de mains reconnaissables comme telles, mais qui ne peuvent être rapprochées ni par leur nombre ni par leur facture de ces trois panneaux). L'examen de l'image numérisée des " points " a révélé des traces de marques de doigts qu'un œil averti ne peut discerner sans l'aide de la technologie. De surcroît, les deux archéologues ont pu déterminer que toutes les empreintes de chaque panneau avaient été créées par deux individus distincts ; l'un étant une femme ou un jeune, l'autre un homme relativement grand, d'environ un mètre quatre-vingt, au pouce recroquevillé.
J'ai demandé l'avis de Valérie sur ces deux panneaux d'empreintes. " Si l'intention est simplement de recouvrir de rouge la surface de la roche ", m'a-t-elle dit, " il est bien plus simple d'enduire la roche de peinture ocre. Si l'intention est de faire des points, il est plus simple de prendre la peinture et de l'appliquer au doigt ou par frottement du poing. Aussi l'intention réside dans le geste de colorer la paume de la main et de mettre la main sur la paroi- le geste est important et la preuve laissée sur le mur est importante aussi. En d'autres termes, des processus et des comportements rituels répétitifs sont à l'origine de ces "points". Mais certainement pas l'art pour l'art, ni le simple désir de recouvrir la surface rocheuse.
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