Nous avons également passé une partie de la journée avec Jean-Michel Geneste, qui a orienté sa visite autour des découvertes archéologiques sur le sol de la grotte qu'il étudie : foyers, outils de pierre abandonnés, et même concentrations naturelles de restes végétaux (feuilles, brindilles, branches) qui se sont déversées, d'une manière ou d'une autre, dans certaines zones de la grotte il y a des milliers d'années, à travers quelque ouverture qui est maintenant perdue. Jean-Michel est le conservateur de la célèbre grotte de Lascaux, et il est le second de Jean Clottes à la tête de la grotte Chauvet. D'âge mûr, Jean-Michel ressemble un peu à un poète, avec sa moustache en broussaille, ses yeux enfoncés dans les orbites, de longs cheveux ondulés poivre et sel, et il s'exprime d'une voix douce dans un anglais fluide. Hors de la France, il fouille des grottes paléolithiques en Ukraine, et depuis peu, en Chine. Il nous a montré des foyers massifs, d'un diamètre de 4,5 mètres, pleins de morceaux de charbon de la taille de bûches qui ont plus de 30.000 ans. Selon lui, le bois a été apporté et brûlé, non pour éclairer, mais pour fabriquer le fusain qui a servi pour les peintures noires. À côté de ces foyers, un examen attentif a permis de déceler l'extrémité aiguisée d'une pointe de lance, qui lorsqu'elle est dégagée par le balai, fait 20 centimètres de long. Ailleurs dans la grotte, lors de notre cheminement sur les passerelles, nous avons remarqué des petits triangles de papier, de deux centimètres et demi de long environ, posés ci et là sur le sol. Ils signalent les emplacements, identifiés et cartographiés par Jean-Michel, de petits outils en silex et de fragments d'outils laissés par les usagers préhistoriques de la grotte.
Deux parties de la grotte semblent plus exotiques que les peintures, peut-être parce que je ne peux les interpréter que comme des genres d'autels. Elles sont situées les deux là où le sol de la grotte est recouvert de dures couches de calcite que nous allons observer de plus près après avoir ôté nos chaussures, quitté les passerelles, en suivant pas à pas Jean-Michel sur la dure surface rocheuse.
L'une d'entre elles a été appelée Galerie du Cactus. Elle consiste en une sorte de petite alcôve dominée par un grand stalagmite en forme de cactus saguaro (les stalagmites poussent du sol vers le haut grâce aux gouttes d'eau riches en carbonate de calcium qui tombent du plafond ; leurs pendants, les stalactites, tels des morceaux de glace, se développent à partir du plafond. J'utilise toujours les mnémoniques G pour le sol (ground) et C pour le plafond (ceiling) pour m'en souvenir. Autour des stalagmites inhabituels, il y a des séries de grandes pierres plates posées verticalement, sur le chant, pour les enfermer. Il n'y a pas de doute sur l'origine humaine de cette disposition. La gravité n'aurait, à elle seule, pas permis à ces pierres plates peu épaisses de s'agencer d'une manière qui n'est visiblement pas due au hasard. De petits silex taillés dans cet autel apportent une preuve supplémentaire de l'activité humaine à cet endroit.
Une autre zone d'autel est située plus avant dans la grotte, à proximité de sa limite la plus éloignée. Elle se trouve dans le Salon du Crâne, au nom éponyme, et est marquée d'une pierre presque carrée d'origine naturelle avec un crâne d'ours adulte posé dessus. Deux éléments en font quelque chose de particulièrement impressionnant. Le bloc de pierre d'origine naturelle en forme d'autel (qui est tombé probablement de quelque endroit du plafond) se trouve au milieu d'une chambre ouverte relativement grande et constitue ainsi essentiellement le centre de cette zone ouverte. Et comme pour attirer l'attention sur ce fait, une série de crânes d'animaux plus petits sont disposés sur le sol de la grotte en quatre lignes qui se croisent à l'emplacement du bloc central.
L'origine humaine de cette disposition est indéniable. Tout aussi indéniable est le fait que nous n'avons aucune idée de la raison de la disposition de ces objets naturels, ou - comme dans l'autel de la Galerie du Cactus - de leur usage. Et il n'est même pas sûr qu'il s'agisse d'autels, au sens où nous l'entendons.